Lumière et matière sont englobées dans une même description dans la physique actuelle.
La résolution des « deux petites contradictions » constatées entraîne les physiciens contemporains dans de bien étranges voies. Pour décrire l’infiniment petit et les objets se déplaçant à des vitesses proches de celle de la lumière, ils ont dû renoncer à l’espace à trois dimensions et lui substituer le « continuum espace-temps ». Il leur a fallu abandonner les deux objets physiques que sont la particule et l’onde et les remplacer par le quanton – ni onde, ni corpuscule. Ils ont montré que l’énergie peut se transformer en masse, et la masse en énergie, que la matière et la lumière peuvent être englobées dans une même description. Ils ont dû estomper la distinction entre le continu et le discret. Au dualisme de la physique classique succède le monisme quantique. Les atomes sont formés d’un noyau, d’électrons et de ce qui le fait tenir ensemble, le champ électromagnétique, c’est-à-dire les quantons de ce champ, qui s’appellent justement des photons. Les échanges de photons entre le noyau chargé et les électrons chargés assurent la cohésion de l’atome. Les photons, de masses nulles, sont donc aussi substantiels que les électrons et les protons qui en ont une. La notion de substance s’élargit.
Les physiciens actuels savent que toute représentation n’est qu’approchée, qu’elle est un modèle permettant de rendre compte de tel ou tel fait, que ce modèle n’est que pertinent entre les limites de validité de la réduction opérée. Selon les conditions physiques des expériences effectuées, il est possible de considérer tel ou tel aspect comme cas limite de la description adoptée. On peut donc continuer à décrire la lumière comme des rayons pour faire de l’optique géométrique, comme des ondes pour étudier interférences et diffraction, comme des corpuscules pour expliquer l’effet photoélectrique, comme quanton pour expliquer émission, absorption, vitesse de propagation. Si la science a jamais caressé la prétention de pouvoir conduire à une vérité générale, elle doit abandonner aujourd’hui cette prétention : elle ne peut « épuiser le réel ». Elle permet de quantifier, de réfuter, de choisir. Elle porte sa propre capacité de contestation et peut répondre « oui mais… » et « non si… », ce qui est beaucoup. Elle garde toute sa puissance dans son domaine et fait place aux autres formes d’approches et de constructions humaines. Irréductible à toute définition, à un seul des modèles construits pour la décrire comme à leur ensemble, la lumière est inséparable d’une question posée à l’essence des choses visibles et invisibles : en elle continue de se fonder la nécessité d’une esthétique et d’une métaphysique, en elle se retrouvent les difficultés de toute philosophie naturelle qui se sont posées d’Aristote à Einstein. La science n’est pas un livre écrit une fois pour toutes, elle est en perpétuel renouvellement.